La vie des entreprises est parfois très paradoxale…
En effet il existe un certain nombre de conditions pour qu’un démarrage de la collaboration se passe au mieux… mais en réalité le fait même que ces conditions semblent être réunies est déjà un signe que les choses ne démarreront probablement jamais. Difficile d’être moins clair, non ? 😉
Je m’explique :
Il existe un certain nombre de règles de bonnes pratique pour réussir une collaboration à distance.
- En premier lieu disposer d’un cahier des charges clair et détaillé, spécialement du fait que la plupart des clients veulent savoir «combien cela va leur couter», donc nous sommes dans une logique de forfait impliquant un prix précis sur la base d’une étude précise.
- Démarrer par un petit projet sans gros enjeu de délai, de manière à roder la collaboration, rapprocher les méthodes de travail, décoder l’implicite, rapprocher les terminologies des 2 parties…
- Un seul interlocuteur client (idéalement technique) maîtrisant l’ensemble du dossier et pouvant répondre vite et bien aux demandes de précisions
- Utilisation au maximum de l’écrit (besoins plus clairs et faciles à diffuser, moins de risques de malentendu…)
- Une stabilité de la demande ; quand on travaille au forfait il est largement préférable de ne pas modifier trop nettement la demande en cours de route, sinon se pose le problème des surcoûts, leur évaluation, acceptation, validation…
Or dans les faits, nous observons que plus nous sommes dans un cas de figure réunissant les conditions ci dessous, moins le taux de transformation est important, pour ne pas dire vraiment très très faible…
Un exemple typique est celui des cahiers des charges très précis que nous envoient par mail des SSII inconnues. En général il n’y a pas de forte pression au niveau délai, et le fait que les demandes soient très formalisées les rend facile à diffuser à un (très) grand nombre de prestataires…
L’étude des demandes ( dossiers de 40 – 100 pages) implique un temps et donc un coût significatif en études, mais nous nous efforçons de faire une proposition claire et précise. Nous obtenons ensuite au mieux un accuse de réception, au pire une relance alors que nous avons pourtant répondu ( ! sans doute une relance automatique de toutes les sociétés consultées…) et puis… plus rien.
Dans quelques rares cas nous recevons au bout de quelques semaines un mail laconique indiquant que nous n’avons pas été retenus, mais que nous seront re-consultés à l’avenir.
Nous avons essayé de nous rapprocher de certains demandeurs, petites SSII françaises «intermédiaires» (qui se contentent souvent de changer l’en tête du cahier des charges, en laissant ainsi au prestataire la responsabilité de formations utilisateur en France qui en bonne logique devrait être de leur ressort, et pas de celui d’un prestataire nearshore), nous leur avons indiqué que nous avions d’autres savoir faire, nous avons proposé un dialogue pour développer un partenariat allant au delà d’une approche seulement réactive en réponse à de gros cahiers des charges, mais nous nous sommes heurtés à un mur de silence… il est vrai que plus le dossier est important plus il attire l’œil, mais quelles sont les chances réelles de succès ?
Il est tout a fait possible que nous n’allions pas assez loin dans nos offres, nous sommes par exemple réticents a donner un calendrier détaillé du projet quand la date de démarrage n’est même pas indiquée. Il est clair aussi que d’autres concurrents sont actuellement affamés, ce qui n’est pas notre cas. Ce qui est très gênant dans cette façon de procéder est que les critères d’évaluation et de choix du prestataire ne sont absolument pas transparents… à la limite même, il peut juste s’agir d’une tentative pour tester le marché, les prix, récupérer des idées, le projet n’aboutissant finalement jamais…
Peut être aussi que quand un DSI a sur son ordinateur une dizaine ou plus de propositions, avec des tarifs complètement différents envoyés par des prestataire des quatre coins du monde, il n’est pas beaucoup plus avancé… Attribuer le dossier à un prestataire sans autre investissement de temps pour évaluer plus finement le partenaire potentiel comporte des risques qu’il n’est pas évident d’assumer… et faute d’avoir vu la structure et les gens sur place il est difficile de se faire une idée objective (ce sera d’ailleurs le sujet de mon prochain post…)
Bref, quand on fait un bilan sur cette façon de travailler «100 % anonyme» (sans aucune forme de boche a oreille, recommandation…), le compte n’y est pas, nous avons des coûts en immobilisation de ressources rares (les études sur des projets d’envergure ne sont pas à la portée du premier venu) et pas de résultat concret en face… et au final j’ai le sentiment que certains donneurs d’ordres pratiquent sans le savoir une politique de la terre brulée, avec le risque de recevoir de moins en moins de réponses au fil de leurs consultations…
Cette logique peut être poussée jusqu’à la caricature par des sites spécialisés sur lesquels les prestataires doivent proposer leur meilleure offre pour chaque projets… outre l’importance du critère prix détaché de toutes autres considérations comme critère de choix, cette démarche de «coups» pour obtenir le meilleur prix sur chaque projet ne me semble pas adaptée à la logique de la collaboration à distance ; dans cette configuration le premier projet demande d’investir du temps dans la mise en place, donc il n’est pas franchement rentable, les choses iront déjà beaucoup mieux pour le second projet, et c’est sur la durée que la collaboration devient pleinement profitable. La logique des sites d’enchères en ligne (qui ont fait aussi beaucoup de mal dans d’autres secteurs, le transport par exemple) implique à contrario de repartir à zéro sur chaque nouveau projet… et met donc en avant les «morts de faim» dont on ne sait pas si ils résisteront jusqu’à la fin du projet…
Inutile de dire que nous nous refusons catégoriquement à être présents sur ce type de sites…
A l’inverse, ces derniers mois nous avons été contacté par de nombreux prospects qui s’écartent pas mal du cadre de bonnes pratiques qu’ils ne connaissent d’ailleurs pas… Parfois ils ne sont pas très loin d’être à l’opposé… quelques illustrations :
– Ils ont toujours un besoin immédiat, et font face à une pression du temps ; il faut que les choses avancent (même si pas non plus urgence absolue) mais en même temps ils sont très occupés au niveau opérationnel, et ont donc du mal à donner rapidement certaines infos ou précisions.
– Les besoins ne sont souvent pas très formalisés quand nous sommes contactés, notre interlocuteur ne maîtrise pas forcément tous les éléments en interne, il faut courir pour comprendre ce qu’on fait avant des freelance ou prestataire, relancer pour obtenir des accès…
– Presque toujours, les choses démarrent par un contact «réel», téléphone ou skype ( qui permet de s’entendre ET parfois même de se voir). On est vraiment dans la nécessité pour nos interlocuteurs ( évoquée dans le précédent post) de se rassurer, et un échange vocal joue un rôle primordial, même si on ne rentre pas d’emblée dans tous les détails des conditions de collaboration.
– Nos interlocuteurs sont finalement assez ouverts, que ce soit au niveau des conditions de paiement (acompte) ou du tarif ( accord sur des fourchettes approximatives de temps facturable quand les demandes sont peu détaillées, taux horaire pas discuté), acceptent sans rechigner de surcouts supplémentaires proportionnels aux modifs intervenues en cours de route… on a le sentiment qu’ils veulent avant tout «que ca avance», qu’ils sont conscients de leurs contraintes internes et limites et qu’ils apprécient beaucoup la flexibilité et la réactivité…
– Enfin, pour finir de les caractériser, une large partie soit démarrent en tant que société, soit élargissent leur activité vers la création de sites web. Ils sont donc complètement en terrain inconnu, tant au niveau de l’activité que du prestataire…
– La plupart sont des prestataire, mais il y a aussi des DSI et propriétaires / webmaster de sites, certains profitant du savoir faire faire acquis sur leurs propres sites pour proposer leur services en réalisation de sites pour d’autres sociétés…
Même si les choses se font parfois un peu dans l’urgence et aussi un peu dans la pagaille, on a le sentiment que ces sociétés recherchent avant tout une collaboration durable, et comme elles ont eu le courage (ou l’obligation, étant au pied du mur) de se jeter à l’eau, elles ont de bonnes chances de l’obtenir…
Il n’est pas toujours simples d’intégrer leurs outils habituels (share point avec diverses restrictions d’accès et pas utilisé pour permettre une facturation simple) mais les choses avancent…
Sur quoi débouche ce paradoxe ?
– Concernant l’envoi par mail «impersonnel» de cahier des charges «nickel» mais sans autres précision ou contacts interactif, je pense que désormais je commencerai (quand c’est possible, si un numéro de tel est disponible) par décrocher mon téléphone pour me renseigner sur les critères de choix, le nombre et la localisation des prestataires concernés… En effet nous n’avons pas la vocation a être les moins chers du monde, nous offrons un très bon rapport qualité prix mais si le marché doit aller à celui qui cassera au maximum les prix les dès sont pipés d’avance, et il ne sert à rien que tout le monde perde son temps… (je sais bien que la qualité du travail des consultants sourceurs est souvent jugée en partie sur le nombre de réponses reçues, mais rien ne nous oblige à faire, gratuitement en plus, de la figuration…) ; il vaut largement mieux qui nous réservions nos ressources à nos clients réels ou au moins probables…
Faute de solution simple de contact je pense envoyer aux demandeurs un lien vers le présent post (mais non ce n’est pas du spam 😉 )
– L’existence d’un cahier des charges n’est pas un pré-requis pour démarrer des discussions avec un prospect… mais il est nécessaire qu’assez vite le nouveau client arrive à nous transmettre des besoins formalisés, et plus globalement adopte les règles de bonne pratique indiquées au début du post.
De toute manière nous devons être réalistes, nous sommes une structure d’environ trente cinq personnes, et nous travaillons avec des entités de tailles relativement comparables (5 – 150 personnes). Nous ne collaborerons sans doute pas de sitôt, au moins directement, avec d’importantes multinationales, beaucoup mieux organisées que la plupart de nos prospects, mais également beaucoup plus réticentes à prendre des risques en affrontant l’inconnu «lointain»…
– Enfin, j’étais peut être allé personnellement allé un peu trop loin dans mon désir de «protéger» nos chefs de projets d’éventuelles incompréhensions découlant de conférence call à l’oral. Il est certain qu’il vaut beaucoup mieux que les demandes arrivent par écrit, c’est plus facile à comprendre, diffuser et archiver, mais on constate aussi que quelques points vocaux très brefs au démarrage d’une collaboration permettent de lever rapidement beaucoup de point d’interrogations, malentendus et sous entendus qui autrement risqueraient de pénaliser la progression des travaux… d’ailleurs il y aura sans doute aussi bientôt un post à faire sur la maîtrise des langues attendue et réelle chez le prestataire web nearshore qu’est Transycons…