En d’autres termes, facturation au forfait ou en régie ?
Certains rétorqueront sans doute que ces anciennes distinctions sont largement dépassées, avec la généralisation progressive des méthodes de type agile.
C’est sans doute le cas pour les gros développements d’applications, mais dès lors qu’on travaille en sous traitance, à distance, sur des sites web qui ne dépassent souvent pas la dizaine de jours hommes, la demande d’engagement au forfait garde toute sa force…
Le principe du forfait est connu ; un prestataire fait une offre de prix ferme (cotation) sur la base d’une demande claire (cahier des charges) et bien sûr stable… enfin, soyons lucides… disons que les modifications en cours de route doivent être limitées 😉
La régie est beaucoup employée par les SSII dans le cadre de détachement de main d’œuvre informatique chez leurs clients occidentaux… Mais elle peut aussi trouver une application pour les travaux à distance ; l’idée est simple, il s’agit de facturer au temps passé, c’est à dire « au compteur »
En pratique il y a deux versions un peu différentes ;
- Soit facturer une ou plusieurs personnes affectées exclusivement à un client (à charge pour lui de les alimenter en travail, et de répondre rapidement aux demandes de clarifications qui pourraient survenir…), donc cela impose certaines contraintes au bénéficiaire… mais les prix sont très attractifs…
- Soit ne facturer que le temps effectivement passé par une ou des personnes au service d’un client, généralement sur la base d’un récapitulatif précis tache par tache. Ce système est plus souple, mais il nécessite une connaissance technique du client pour vérifier la cohérence des temps facturés, ou au moins la confiance de celui-ci sur la sincérité des récapitulatifs de temps envoyés.
La forfait est la manière de travailler qui sera le plus spontanément employée ; les clients veulent généralement savoir combien va leur couter un travail… éviter les surprises… même si eux mêmes ne sont pas toujours très précisément fixes sur leurs besoins. Donc le juge de paix pour choisir la façon de travailler est l’existence d’un cahier des charges, sa qualité… et aussi sa stabilité !
Dans les faits les choses s’articulent de façon un peu différentes ;
Travailler sans cahier des charges sur des projets d’ampleur relativement modestes (sites web, y compris boutiques en ligne) peut se révéler couteux pour un client, ceci même si le taux horaire en régie est (logiquement) inférieur au taux horaire au forfait. En effet, les opérationnels du côté clients ne sont pas poussés à être précis dans leurs demandes, et sont moins réticents à accepter des changements importants de la part des clients finaux.
Du côté prestataire aussi les cibles de productivité sont beaucoup plus difficiles à définir et à suivre…
Au final les temps rapportés par les prestataires peuvent être jugées «excessifs» par les directions des web agency clientes, ce qui risque d’éroder la confiance, alors que ce n’est souvent que le reflet d’une façon de travailler…
Du coup la pression naturelle pour travailler au forfait se renforce. Cela implique que les réseaux de distribution de sites web des clients web agency soient capables de fournir des cahiers des charges «bien ficelés», voire qu’ils soient en mesure d’estimer eux mêmes un temps de réalisation pour les sites, ceci pour simplifier au maximum le cycle de vente. Cette capacité à réaliser les cotations permet aussi d’évaluer la correction de l’estimation de temps facturable du ou des prestataires.
Le prestataire doit de son coté passer du temps à réaliser des cotations, donc on voit que sur le papier l’on cumule les surcoûts par rapport à la régie ( taux horaire supérieur + temps en plus chez le distributeur web + temps en plus chez le prestataire qui crée les sites web).
Ce système reste cependant viable ;
– Du fait de la «dilution» du temps de gestion de projet sur l’ensemble d’un projet de taille assez significative. On reste sur des pourcentages de temps de gestion acceptables…
– En raison du surcroit de rigueur qu’il impose à tous les acteurs, ceci dès lors qu’il n’y a pas trop de modifications en cours de route (l’aspect validation client est fondamental, notamment la validation du graphisme de la page d’accueil pour éviter ensuite des demandes de modifications nécessitant une refonte complète du site)
Le danger de ce système de forfait est que les clients y prennent goût… au point de vouloir le généraliser aussi à des domaines ou (de notre point de vue) il n’est pas du tout adapté.
Je pense notamment aux mises à jour des sites web une fois en ligne.
Nous avons tenté l’expérience avec un client récemment. En fait dès le départ nous étions très sceptiques que la viabilité de ce système, mais le client a tellement insisté que nous avons pensé qu’il allait vraiment mettre son organisation au carré pour permettre de traiter comme cela ses demandes de modifications.
D’importants efforts ont été consentis des 2 côtés, mais au final nous constatons que sur le plan économique, cela ne peut pas fonctionner, surtout quand il est question de modifier des sites qui ont été réalisés par d’autres que nous avec leurs propres systèmes :
Les mises à jours sont comparables à des micro projets. En leur faisant suivre un cursus de forfait classique, à savoir étude chez le client, étude chez le prestataire, éventuels échanges en cas d’écarts de chiffrage, on augmente déjà beaucoup la charge de travail par rapport au (petit) projet en question.
En plus, le temps ayant un coût, chacune des 2 parties aura tendance à réduire la durée de l’étude, au risque de laisser échapper certaines implications de la demande (surtout si une partie des informations ne sont pas faciles d’accès pour le prestataire)
Et au final, nous constatons que les dépassements par rapport au temps estimés initialement sont (en moyenne) beaucoup trop fort pour être supportables par le prestataire ; ceci pour plusieurs raisons (non exhaustives).
– Les «petites» modifications demandées ont souvent d’autres répercussions sur un site, répercussions qui ne sont constatées qu’en cours de travail ;
- Par exemple un ajout sur une page web peut entrainer des décalages d’affichage, ce qui implique d’intervenir ailleurs pour corriger l’impact des modifications
- Autre exemple, une modification technique peut avoir des répercussions au niveau du front office, mais aussi du back office, du panier, etc
– Il n’est pas forcément aisé d’obtenir des clients des précisions, les sources originales, ce qui allonge le temps de travail opérationnel et celui de suivi du projet
Bref au final, adopter une démarche forfait pour tous les besoins, y compris la moindre petite modif n’est pas rentable, au moins pour le prestataire (et sans doute pas non plus pour le bénéficiaire, vu les retours que nous avons pu en avoir…)
Il est vrai que la question des modifications est une question très sensible, beaucoup de clients agences web vivant principalement des recettes de ventes de sites lors de la mise en ligne, et regardant donc les modifications comme une source de coût sans recette à mettre en face, mais les prestataires ne peuvent pas non plus assumer des pertes sur cette partie.
Plus la modification est modeste et plus il semble logique qu’elle soit traitée directement en interne par la société de vente de sites web en Europe de l’Ouest ; pas besoin de formaliser le besoin pour un prestataire distant, pas de cotations, pas d’échanges… Il lui faut juste disposer d’une personne compétente techniquement…
Il est vrai que c’est moins souple que d’avoir recours à un prestataire dont les ressources sont modulables, mais on ne peut pas tout avoir…
Conclusion à ce jour :
Il est possible et même souhaitable de traiter les créations de sites web au forfait, dès lors bien sûr que les cahiers des charges sont réalisés par des professionnels du secteur de la création de sites internet.
En revanche, pour ce qui est de réaliser à distance les modifications de sites, surtout si elles sont modestes et arrivent au fil de l’eau, ce n’est envisageable de façon réaliste que si l’on travaille au compteur, en fonction des temps passés appréciés de manière sincère , transparente et rapportés périodiquement.
Et si on fait un calcul économique, il vaut sans doute mieux que l’agence web fasse au minimum les plus petites modifs chez elle… comme quoi même Transycons peut devenir (pour certaines prestations) un adepte de la re-localisation 😉