Externalisation offshore/nearshore du développement de sites et applications web ; jusqu'où pousser le low cost et comment choisir?

développement de sites
26 juin 2009

La période actuelle pousse assurément aux réorientations, à de profondes remises à plat des organisations, de la manière de travailler en interne et avec les partenaires extérieurs. La tendance de fond visant à sous traiter la «production pure et dure» des développements semble désormais s’accélérer. Voici quelques clés si vous envisagez de travailler dorénavant avec un pays étranger;

1 – Quand on aborde la question de création de sites web en régime / pays low cost, il faut un point de comparaison par rapport à un «coût classique».

Or même si on n’étudie qu’un seul pays, la France par exemple, c’est quasiment mission impossible. Entres les tarifs «luxe» de quelques prestataires très affutés pour répondre aux attentes pointues de grands comptes très exigents, et les offres à très bas prix qui cachent souvent quelques chose (coût de l’hébergement ? Durée d’engagement ?) en passant par des sites qui sont réglés en mensualités, il est bien difficile d’y voir clair, et pas seulement parce qu’une large partie des prestataires sous traitent déjà largement la production à d’autres prestataires situés dans des pays dits low cost ( et je ne suis d’ailleurs pas sur qu’ils le disent tous à leurs clients 😉 ).

La deuxième difficulté tient à la forte diversité des structures ; vous pouvez vous adresser à une grande agence / SSII, à une moins grande, ou à un freelance, dont les coûts ne sont absolument pas les mêmes (déjà avant l’apparition du régime de l’auto entrepreneur il y avait l’effet d’aubaine des exemptions de charges sur la première année d’activité). Dans un tel tel contexte, il pourra parfois arriver qu’une proposition «française» soit un peu moins chère ou équivalente que ce que proposera une société d’un pays low cost. Sauf qu’on compare des choux et des carottes, un indépendant avec une société… Comme l’a reconnu récemment un prospect qui a connu des désagréments successifs avec plusieurs freelance, «ceux ci sont souvent très réactifs les deux premières semaines, puis, dès lors qu’ils ont réussi à se payer par exemple leurs vacances en Corse, les choses n’avancent plus…».

Admettons que vous tombiez sur un freelance qui sache à lui seul tout faire ( graphisme / intégration / développement / flash ou très bonne connaissance du CMS que vous visez + référencement, installation serveur, etc…). L’état de freelance est bien souvent transitoire, «faute de mieux», et plus rarement une vocation. Ce qui pose de vraies questions sur la «maintenabilité» / évolutivité de ce qui aura été développé, si le free-lance retrouve un job salarie auquel il aspire probablement… Avec une société vous développez une collaboration pour un large éventail de compétences et sur la durée…

Ceci dit il reste évident que les pays dits low cost (disons hors OCDE pour simplifier) ont des coûts salariaux beaucoup plus attractifs, or dans nos métiers l’essentiel des coûts et de la valeur ajoutée sont liés au travail (combiné à l’équipement, la formation et l’organisation). L’économie possible est donc encore plus considérable que dans le domaine industriel par exemple, si on part du principe que l’industrie est moins intensive en main d’œuvre que les services, que les matières premières et l’énergie ont à peu près le même coût partout, et que les produits fabriqués dans les pays low cost vont devoir être transportés jusqu’au lieu de consommation.

Sans entrer dans le détail des fluctuations de monnaies ( attention à la monnaie de facturation du service si vous n’avez pas l’âme et les nerfs d’un spéculateur), j’ajouterai un autre avantage actuel pour ces pays ; leurs économies sont souvent plus flexibles que celles des pays avancés du type OCDE. En période de développement les salaires ont eu tendance à augmenter fortement (sans rattraper, loin de la, ceux des pays les plus avancés), mais avec le ralentissement actuel le freinage y semble désormais beaucoup plus vigoureux, au moins dans le secteur privé.

2 – Une fois que vous êtes prêts à franchir le pas, voici quelques facteurs à prendre en compte pour évaluer les avantages «structurels» des pays en présence pour pouvoir en sélectionner un.

Bien souvent les prospects qui me contactent connaissent des roumains, des français vivant en Roumanie, ou tout simplement la Roumanie, et ils en ont une bonne image (comme quoi mieux vaut se faire une idée directement que par certaines chaines de TV obsédées par le sensationnalisme…). J’espère que ce n’est cependant pas le seul facteur de décision, il y en a beaucoup d’autres à prendre en compte :

Présence d’une main d’œuvre qualifiée dans les technologies / domaines qui vous intéressent. Ceci implique l’existence de formations appropriées, aux programmes actualisés, et une relative abondance de la main d’œuvre qualifiée, à divers niveaux d’expérience (attention, il suffit parfois de quelques gros investisseurs pour rapidement «saturer» les capacités d’un petit pays dans un domaine). Importance aussi de la disponibilité de ressources au niveau de l’encadrement (chefs de projet, etc…)

Stabilité politique du pays ; que certains pays changent de temps en temps de président ou de dirigeants est tout à fait normal. Que cela passe par un blocage complet du pays et de l’activité économique, blocage qui peut parfois durer plusieurs mois, l’est moins. Pensez aux pénalités de retard… A ce niveau les régimes démocratiques à peu près stables (élections non contestées) ont un avantage…

Par extension en cas de troubles pensez à la stabilité énergétique (risques de coupures prolongées de courant ?) et des réseaux (internet) des pays visés.

Stabilité juridique ; en cas de litige avec le prestataire, comment sera t’il jugé ? A ce titre les nouveaux membres de l’UE, ou ceux en cours d’adhésion ont un avantage, leurs systèmes judiciaires ne sont assurément pas parfaits, mais au moins il existe en cadre commun…

Proximité géographique ; des déplacements peuvent être nécessaires, surtout au début, où en cas de «gros pépin», ça peut toujours arriver. Il faut cependant moduler ; si vous envisagez des déplacements très réguliers, c’est peut être que vous n’êtes pas (encore) en mesure de travailler avec un prestataire distant. Et attention à ne pas sur-apprécier ce critère de choix ; Je me souviens de commentaires de dirigeants clairement incommodés par le fait que nous nous trouvions en province (pas de vols directs vers la région parisienne à l’époque), ce qui rajoutait effectivement deux heures de trajet par rapport aux vols directs vers la capitale. Mais d’une part les grandes villes de province sont généralement sensiblement moins coûteuses que les capitales ( le chef d’entreprise client récupère largement en économies sur la prestation le léger inconfort et surcoût du trajet du à une localisation en province), le stress et le turnover y sont bien moindres (justement parce que beaucoup d’investisseurs ont la «flemme» de s’aventurer aussi loin ??), et surtout, d’expérience, nous avons constaté que, malgré nos invitations, la plupart des chefs d’entreprise clients (depuis des années…) ne sont jamais venus voir nos locaux / équipes, notamment par manque de temps… et en dépit de l’apparition de vols directs…

Proximité horaire ; c’est assez proche de la proximité physique. L’idéal étant que les équipes travaillent au maximum en même temps, donc que le décalage horaire soit minimal. Même si les cahiers des charges sont bien faits, des précisions sont souvent nécessaire, et quelques échanges sur messageries instantanées permettent de clarifier les choses sans que le projet ne perde de temps. Il peut aussi y avoir des demandes d’études / de prix urgentes… Et plus globalement la proximité horaire favorise les échanges entre les chefs de projets clients et les équipes distantes.

Proximité culturelle ; en terme de compréhension, il est préférable que les équipes travaillant pour des clients européens soient elles aussi européennes.

Proximité linguistique : plus les langues sont proche, plus la compréhension sera facilitée au sein des équipes, même pour les personnes ne connaissant pas ou peu votre langue. (langues latines par exemple… donc avantage au roumain…)

Connaissance de votre langue ; cela représente un gain de temps considérable si vos équipes peuvent formaliser les besoins dans leur langue, et cela limite aussi beaucoup le nombre d’erreurs dues à une connaissance forcément imparfaite de l’Anglais (attention toutefois à ne pas trop se laisser aller à la facilité, comme l’argot par exemple, la langue parlée n’étant pas forcément enseignée à l’étranger…). Il n’est pas nécessaire que les chefs de projets distants maitrisent bien le français à l’oral, mais ils doivent très bien pouvoir le lire et être capables de formuler des question précises à l’écrit.

NB : Attention dans votre choix, il y a pays francophones et pays francophones. L’Afrique du nord par exemple est bien positionnée sur l’oral (chaines TV françaises assez suivies) ce qui avantage le call centers, tandis que la Roumanie est davantage réputée au niveau de la correction de l’écrit (approche beaucoup plus académique…).

Si vous récapitulez ces critères, vous verrez qu’émerge (en simplifiant) une ligne de partage entre des pays relativement proches au niveau structures, distances, langue, que l’on qualifie de nearshore, et qui proposent des prestations sensiblement moins onéreuses que celles de pays plus avancés, bref low cost, et si on s’éloigne géographiquement, culturellement, etc, on rentre dans la catégorie dite «offshore», avec souvent des tarifs disons «super low cost», mais aussi beaucoup plus de contraintes et de zones d’ombre…

En tout état de cause le prix est loin d’être le seul critère de choix, à titre exemple deux de nos principaux clients sont «revenus» de destinations offshore lointaines (l’un d’Indonésie – structure en propre, et l’autre d’Inde, prestataire) pour travailler avec nous à des tarifs a priori pourtant sensiblement supérieurs… à vous de juger où vous placez le curseur entre économies et risques / contraintes…

3 – Faire ou faire faire ?

Bien souvent le recours à une société prestataire est la solution la plus simple et rapide. Ca peut aussi être le premier pas avant de se lancer à l’assaut des capacités de production (ressource humaines) de pays low cost. Mais ce n’est pas la seule possibilité.
On peut en fait en dénombrer 4 ;

Passer par un prestataire ; plus simple, plus rapide, mais se posent des problèmes de confidentialité, et de perte de savoir faire opérationnel. Une dépendance peut s’installer, exposant le donneur d’ordre à des hausses de tarifs pas forcément justifiées par la situation économique du pays.

La solution prestataire sera sans doute un peu plus chère sur le papier que la mise en place d’une structure en propre, mais elle offrira beaucoup plus de flexibilité, le prestataire pouvant réaffecter des équipes vers vous même ou vers d’autres clients en fonction des fluctuations d’activité. Le prestataire «gère» par ailleurs les spécificités de son pays.

Cette formule est bien adaptée pour les volumes d’activité assez faibles, ou assez fluctuants.

Créer votre propre structure offshore. C’est sur le papier plus économique… mais ça implique de créer une structure dans un pays que vous ne connaissez pas bien. Attention au réflexe de beaucoup de français qui s’imaginent que dans un pays en voie de développement «c’est globalement comme en France, mais en beaucoup moins cher». Erreur ! Le cadre est très différent, mais aussi les rapports avec les administrations, les mentalités. Certains coûts (immobilier, énergie) peuvent surprendre, la différence de coûts se faisant surtout sur les salaires. Et un fois que vous aurez votre structure, il faudra en théorie pourvoir l’alimenter en continu avec vos propres besoins, sinon gare à l’explosion de coûts…

Si vous vous lancez dans l’aventure, quel profil de dirigeant choisir ? Un local bien introduit, mais dont la loyauté vis à vis de votre société n’est pas évidente ? Que fera t’il de la large autonomie opérationnelle que vous devrez lui concéder ? Ou vous opterez pour un expatrié français, soit jeune, dont susceptible de commettre diverses erreurs par son manque de connaissance du pays, ou profil expérimenté, mais grevant beaucoup plus vos coûts fixes ?
Bref cette solution est plus fréquentes si vous avez d’importants volumes assez réguliers à «offshorer», et que vous êtes prêt à supporter au niveau de votre siège l’hémorragie au moins temporaire de ressources en managers que va nécessiter la mise en place d’une «filiale» distante…

Ensuite les solutions «intermédiaires». Comme démarrer en sous traitance et récupérer l’équipe une fois qu’elle s’est développée (BOT, Build, Operate, Transfer). Ou encore faire appel à un prestataire local qui vous aidera à recruter une équipe, «l’hébergera» dans ses locaux, s’occupant de tous les aspects administratifs locaux en étant rémunéré pour ces services tandis que vous conserverez le management technique effectif de l’équipe, donc le savoir faire.

Enfin racheter une société existante. Si elle possède le savoir faire technique approprié cela peut vous faire gagner un temps précieux, surtout si le management de cette société est liée par contrat pour assurer un accompagnement lors de la transition… et que le portefeuille client hérité est à la limite de la rentabilité (pas trop de regrets). Mais les cadavres dans les placards ne sont pas exclus, ce qui peut s’avérer complexe à gérer dans un pays inconnu, avec en plus un nouveau management à mettre en place …

Ces solutions ne sont pas exclusives les unes des autres, souvent les clients en essayent plusieurs au fil du temps, du fait des difficultés, évolution de leurs besoins… et il est aussi possible de recourir à plusieurs pays différents pour répartir les risques, si les besoins sont suffisants…

4 – Quelques critères de sélection du prestataire (dans le cas ou vous choisiriez cette option)

La présence d’une structure en France : cela peut sembler de bon sens, mais ce n’est pas forcément une bonne chose. D’une part parce que l’existence d’une structure en France, surtout si n’est que purement commerciale, constitue un surcoût discutable qui pèse sur les tarifs. Et aussi comme me l’a rapporté tout récemment un client échaudé, du fait que le commercial de la structure sous traitante peut constituer un intermédiaire / écran de plus, complexifiant voire déformant inutilement les demandes là ou une communication directe avec la structure de développement serait plus efficace et rapide…

A contrario, la présence de concitoyens à vous au sein de la structure distante peut constituer un plus, au niveau communication, traduction de «point ambigus», mais aussi plus généralement ouverture à l’état d’esprit du pays des clients… voire recours en cas de blocage inexplicable…

Des références dans les technologies qui vous intéressent sont un vrai plus, mais soyez aussi conscients que beaucoup de sites ou applications sont développés en marque blanche, donc les prestataires ne peuvent pas communiquer largement sur leurs réalisations…

En phase finale de sélection, il est important d’arriver de prendre le temps d’aller rencontrer le prestataire dans ses locaux. D’une part parce qu’au niveau opérationnel les contacts sont beaucoup plus détendus et «collaboratifs» si les personnes se connaissent «en vrai», et d’autre part parce qu’en étant allés sur place vous vous faites une assez bonne idée sur l’organisation du prestataire… et à partir du moment ou il est convenu que vous pouvez débouler (quasiment) à l’improviste cela limite les risques de sous traitance occulte (en cascade) à une autre société, laquelle représente un important péril au niveau respect des délais et suivi du projet en général…

Toujours dans le domaine de la transparence, des outils de suivi de l’avancement des projets (interfaces) sont largement souhaitables ; vous devez à tout moment, sur tous les projets, savoir qui est l’interlocuteur chef de projet, connaître le niveau d’avancement, pouvoir consulter le travail déjà réalisé…

Enfin tenez compte de la taille du prestataire, et de la répartition de son portefeuille client. Une société de 10 personnes qui dépend à 80 % d’un seul client est une société extrêmement fragile. Mon conseil est de privilégier les sociétés de taille moyenne (de 25 à 100 personnes) qui sont flexibles, a priori pérennes, et plus compétitives en tarif que les grosses structures. Mais si vous avez des exigences très précises en terme de méthodologie, structures qualité, certifications multiples, il vaudra sans doute mieux vous tourner vers une structure de plus grande envergure…

5 – Quelques conseils et mises en garde pour le démarrage.

Voilà, vous êtes prêt à vous lancer.

Attention toutefois à ne pas confondre vitesse et précipitation ;
Il est assez fréquent que des sociétés se retournent vers des prestataires quand elles se retrouvent «submergées», il leur faut d’urgence une solution pour apurer le retard.
Pourtant votre société a développé ses propres méthodes de travail en interne. Divers automatismes ou «implicites» se sont mis en place.

Le prestataire lui, ne connait pas vos méthodes, vos attentes, il est à des milliers de km, dans un autre pays.

C’est pour cela qu’il est préférable de démarrer une collaboration par un test sur un «petit dossier», sans urgence au niveau des délais.
En effet au départ il est normal de tâtonner un peu, de roder la collaboration. Vous n’enverrez sans doute pas toutes les infos souhaitables pour un travail distant, le prestataire fera intuitivement «comme d’habitude», c’est a dire probablement différemment de ce que vous auriez souhaite sans l’exprimer vu que vous considérez que c’est évident, car «on a toujours fait comme ça», au final les deux parties recadreront leurs méthodes, la précision de leurs échanges, et vous pourrez attaquer un projet plus important, puis un autre encore plus important, etc…

Une montée en charge progressive est un important facteur de réussite, d’autant que le prestataire devra bien souvent recruter et former des ressources pour accompagner le développement de l’activité vous étant dédiée…
Il est par ailleurs primordial que vous soyez bien conscients de ce que souhaite un prestataire, surtout une société de taille moyenne…
Quand des clients «déboulent» avec des centaines de sites internet très urgents «sous le coude» et demandent en conséquence des tarifs laminés, le prestataire ne saute pas forcément de joie…

D’une part parce qu’il se demande d’où sortent tous ces sites, pourquoi le client potentiel les a autant laissé s’accumuler (doute sur l’organisation du client…), et si il y aura une continuité après l’énorme pic d’activité de démarrage…
En fait les prestataires de taille moyenne ont une préférence pour la durabilité ( et stabilité relative) de l’activité de sous traitance, ainsi que pour les volumes (raisonnables). Ce sont les éléments de négociation qui doivent vous permettre d’obtenir le meilleur tarif.
Si vous envoyez du travail occupant sur la durée entre 3 et 5 salariés d’un prestataire vous l’intéresserez bien plus qu’avec une demie personne sur la durée ou surtout 30 personnes sur un mois.

En effet, même si les prestataires sont conscients de jouer le rôle de soupape de sécurité, surtout si son client garde une partie de la production en interne, ils essayent d’éviter les variations trop brusques. Lors des embauches, ils doivent bien souvent former les nouveaux salariés à leurs méthodes, et aussi à une «discipline interne», bref l’intégration représente un effort. Ceci dans un contexte ou bien souvent la notion même d’intérim n’existe pas et ou les salariés, faute de vraie protection sociale, ont une vraie préférence pour les sociétés proposant des contrats à durée indéterminée. Cet absence de protection sociale rend d’ailleurs aussi délicat des licenciements, non tant du point de vue juridique que du point de vue humain… donc une certaine réticence des entrepreneurs vis a vis des violents et réguliers «coups d’accordéon».

Si on ajoute le fait que la mise en place d’une nouvelle collaboration nécessite un minimum de rodage, la rentabilité et l’efficacité maximale ne s’obtiennent progressivement, au fil des projets, et donc vouloir faire des “coups ponctuels” en ayant recours à un sous traitant distant n’a souvent pas grand intérêt…
Ensuite il vous faut faire un peu «d’examen de conscience» ; quel genre de donneur d’ordre êtes vous ?

Là je vais caricaturer franchement, de manière intentionnellement abusive pour la clarté du propos ; on va dire que vous êtes «culturellement» plutôt soit une agence de com, soit une société d’informatique.

– Pour l’agence de com, voici un exemple qui date… du jour ou j’écris ! Un client sporadique (une société allemande pourtant !) nous contacte mercredi pour nous demander si nous pouvons réaliser un travail urgent d’ici le mardi suivant. Sur le principe nous sommes ok, mais nous demandons plus d’infos sur la demande… or le bénéficiaire final n’a encore envoyé aucune précision… ça devrait arriver en principe le vendredi… la question est de savoir si nous pourrons respecter le délai du mardi pour faire… nous ne savons absolument pas quoi… en désespoir de cause nous répondons que nous pouvons affecter 2-3 personnes pour traiter l’urgence, mais ceci n’est pas considéré comme une réponse satisfaisante par notre client agence de com…

D’une manière générale, le façon de travailler dans la branche communication, pour la réalisation de supports plaquettes, e mailings ou sites, me semble assez spécifique, l’aspect créatif est important, les processus de validation peuvent être complexe en raison du nombre des intervenants, les remises en cause et «améliorations» sont nombreuses, et la règle d’or est le travail en urgence.

Il y a aussi une tendance à en demander beaucoup en avant vente (multiples maquettes), or ceci a un coût, et sa répartition entre le prestataire français et son sous traitant offshore n’est pas du tout évidente…

Ce modèle «com» fonctionne bien quand les différents intervenants sont proches géographiquement, avec le recours éventuellement à des free-lance locaux offrant une grande souplesse et des tarifs bas. La maintenabilité n’est de toute façon pas la priorité quand on a un horizon à la demie journée…

En revanche, pour un travail à distance, impliquant un certain formalisme, les choses se compliquent passablement. Ceci d’autant plus que les clients préfèrent travailler au forfait, c’est à dire savoir d’avance combien cela va leur couter. Mais dans ces conditions, les diverses «modifications», demandes d’abord par l’agence, puis par le client, puis par on ne sait qui encore rendent vite les projets ingérables au niveau opérationnel et plus encore facturation (en admettant que l’agence accepte de payer pour les multiples modifications).

Et la solution de remonter la base tarifaire pour être tranquille ne tient pas car on arrive tout de suite dans la zone de tarifs horaires des free-lance français…
Si on ajoute le fait que les demandes souvent urgentes sont largement incompatible avec la planification des projets et des délais pour les autres clients, ça commence à faire beaucoup…

Par extension au «modèle de l’agence de com», si vous êtes un bénéficiaire final ne disposant pas de compétence / expérience vous permettant de décrire de façon claire et détaillée votre besoin… mais que vous voulez obtenir un devis ferme et précis et travailler et un prestataire dans un pays low cost… vous êtes assez mal parti… je reviendrai dans mon prochain post sur la nécessité d’un intermédiaire spécialisé dans le formalisation, à savoir en fait,… une structure de type «société informatique»… : 🙂

– Ces «sociétés informatiques» (qui ne sont pas nécessairement de grosses structures) ont deux caractéristiques qui sont autant d’avantages ; elles possèdent des bases de culture techniques facilitant les échanges avec les prestataires distants, et elles ont une capacité à formaliser de façon claire et détaillée les besoins. Ce «bagage technique» est fort utile, déjà pour permettre de proposer d’entrée un prix ferme sur la base d’une demande claire, mais aussi par exemple sur les questions de paiement en ligne… celles touchant à l’hébergement… etc…
Si vous formalisez clairement, que vous envoyez des dossiers techniques complets (photos incluses), et que la demande n’évolue pas en cours de développement, les choses ont de bonnes chances de se passer vite et bien, mais cet aspect organisation n’est hélas pas donné à tout le monde le jour ou une structure veut passer à la sous traitance off-shore / near-shore.
Il faut en fait considérer votre prestataire distant comme une «usine à sites web et applications» et se comporter en conséquence…
Dans un sens, ce type de collaboration distante peut vous permettre de bénéficier d’un effet miroir, les difficultés du démarrage remontées par le prestataire permettant à votre direction d’identifier un certain nombre de problèmes (jusqu’à présent camouflés) au niveau de votre organisation, et vous donnant ainsi l’occasion d’y remédier.
A ce titre, il y a un intérêt, et même une nécessité de considérer le prestataire comme un vrai partenaire… il est vrai qu’on rencontre hélas souvent des mentalités du style «ces pays sont en voie de développement depuis tellement longtemps, il doit bien y avoir une raison»… ou une approche rigide de certains clients qui se considèrent comme le «centre» de la collaboration, le ou les prestataires étant la «périphérie»… (je pense que ceux qui ont travaillé dans des groupes centralisés voient ou je veux en venir…) et donc la communication réelle est unidirectionnelle, le centre sûr de ses méthodes envoie des demande à la périphérie, et les suggestion de la périphérie (qui est aux premières loge pour observer dysfonctionnements et gaspillages) sont systématiquement laissées sans réponse et ignorées (peut être faute d’existence d’un interlocuteur clair chez le client sur les problèmes d’organisation…)
Bref, en conclusion, on voit que les coût réels seront largement fonction de votre organisation, et de sa capacité à évoluer pour s’adapter quand c’est nécessaire. En demandant «combien ça va me couter?» demandez vous aussi jusqu’à quel point votre organisation, au travers de la qualité de ses demandes, peut permettre la réalisation de prestations peu coûteuses, et de qualité (les deux étant très liées, vu le coût de la non qualité, aspect encore trop négligé par les donneurs d’ordre…).
Le prestataire distant a incontestablement besoin de vous pour faire du bon travail, mais aussi pour travailler, tout simplement. Nos rares tentatives pour travailler «en direct» avec des PME françaises ( notamment des proches) se sont mal passées. Dans l’immense majorité des cas la distance est un handicap quasi insurmontable pour les prestataires distants qui souhaiteraient travailler avec des PME ou structures n’étant pas en mesure de spécifier clairement leurs besoins. Ces PME ont besoin d’un accompagnement sur place, ce qui a deux conséquences, que je détaillerai dans un prochain post :

Il est peu réaliste de penser qu’avoir recours à un prestataire offshore consiste à faire rentrer un cheval de Troie et donc à se faire évincer à terme du marché ; pour vous éliminer de la chaine de valeur le prestataire devra monter sa propre structure en France, ce qui pose toute une série de problèmes insurmontables au moins pour les petites et moyennes structures offshore / nearshore.

Les emplois français dans le domaine du web ne sont pas forcément menacés, d’autant que le marché du web recèle encore de vastes potentialités de croissance. Simplement les professionnels du secteur en France ont tout intérêt à se focaliser dans le recueil des besoins et l’accompagnement des utilisateurs clients… bref une approche technico-commerciale…

Voilà, désolé d’avoir été si long 😉
Je ne suis assurément pas complétement objectif sur ces questions, mais n’hésitez pas à me contacter si vous vous souhaitez obtenir davantage d’informations / suggestions.