A la recherche de l'improbable cahier des charges

3 juin 2010

L’activité du blog est sensiblement retombée ces derniers temps, non pas qu’il se passe peu de choses de notre côté, bien au contraire, c’est justement la richesse de l’activité, avec de nouveaux démarrages, des développements d’activités, une évolution aussi des méthodes de travail, de management et de formation qui font qu’il reste trop peu de temps pour alimenter ce blog… espérons que les mois d’été seront plus fertiles en post… les sujets potentiels ne manquent pas en tout cas…
Qu’il soit appelé cahier des charges, dossier technique ou par un autre terme, il s’agit d’un descriptif détaillé de ce que doit être le site, tant au niveau du graphisme que de l’ergonomie, de la structure, des contenus et des fonctionnalités. Il permet à la fois de proposer une cotation précise et de réaliser le travail rapidement et avec fluidité.
Nous sommes très régulièrement contacte par des PME (certaines encore en gestation) non spécialistes du web, opérant dans des secteurs d’activité les plus divers, n’ayant vis a vis de la distance aucun complexe et nous demandant une offre tarifaire ferme pour une création d’un site sur la base d’un descriptif du besoin souvent microscopique.
On est presque sur une demande du type «combien coute un site web» (il ne peux sans doute en exister qu’une seule sorte…), avec, même si les demandeurs n’en sont pas conscient, l’aspect chèque en blanc quand vous avez annoncé un prix pour quelque chose de flou. En effet, certains ne conçoivent pas que le prix d’un site puisse fortement augmenter si le volume de travail explose au fur et à mesure que la demande se précise, devient plus subtile et complexe, et que le client change d’avis en cours de route car hélas c’est en découvrant un résultat que l’on découvre que tout le monde n’a pas les mêmes implicites.
Je réponds généralement aux demandes de prix par la comparaison avec la construction d’une maison ; combien coûte une maison… pour bien faire comprendre que les maisons sont très différentes entre elles, qu’elles sont construites sur la base de plans précis, qui en conditionnement le cout, et qu’en plus on ne change pas les plans d’une maison toute les 5 minutes, surtout quand la construction est en cours, voire terminée… il faut vraiment être fixe sur le plans en question pour démarrer le travail de construction…
Une partie des clients potentiels n’essaie même pas d’aller plus loin, (confrontés à une logique trop différente de la leur), mais certains «s’accrochent» face à nos demandes de précisions au ton pourtant parfois un peu inquisiteur, et notre franchise leur indiquant qu’il est très difficile, et donc rare pour nous de travailler avec des non spécialistes, surtout si ils sont situés à quelques milliers de km de chez nous…
De fait, contre toute attente, certains prospects apprécient un attitude peu commerciale qu’ils considèrent comme «professionnelle» et sincère… et en plus il y a l’attraction des taux horaires de la Roumanie, cela mérite d’insister…
Il faut dire que beaucoup ne sont pas totalement vierges au niveau de l’internet, mais ils ont soit souffert de mauvaises expériences ( on leur a par exemple réalisé par le passé des sites en flash dont le référencement peut facilement s’être avéré catastrophique… voire inexistant dans le cas de sites classiques… ou un prestataire a fait trainer leur dossier pendant des mois… )
On remarque aussi assez souvent un grave manque de pédagogie au niveau des petites structures proposant des solutions web à ce type de population. La démarche est en gros de demander au client ce qu’il veut, puis d’essayer de réaliser ce qu’il demande avec les moyens du bord en espérant que le client sera satisfait, car pour une petite structure tout client compte et il est difficile d’expliquer qu’on arrive à la limite de ses compétence / de sa polyvalence (alors que pour une société qui peut réaliser 80 sites web par mois il est plus facile de reconnaître qu’une demande ne correspond pas à son cœur de savoir faire…).
Plus important encore, une structure comme la notre aura plus de facilités intellectuelle à prendre du recul, et avant de proposer un site, d’éduquer les clients à la manière dont fonctionne internet, à ce qu’il peut apporter, à ses outils. Une cliente potentielle était en effet ravie que quelqu’un ait enfin pu lui expliquer la différence entre un site web et un blog (cette personne est très pointue dans son domaine, mais a besoin d’être guidée pas à pas dans sa stratégie web).
Une fois que la personne a compris internet, il faut passer à un questionnement marketing pour définir avec l’entrepreneur les buts du site internet ; l’objectif est avant tout d’attirer de nouveaux clients, ou de donner davantage d’informations au clients actuels, ou encore de réduire les couts de gestion de la société en la virtualisant et en automatisant certaines opérations, etc.
Une fois seulement qu’on est au clair la dessus, qu’on a donne le temps au temps, ce qui n’est jamais du temps perdu, on peut passer au «plan» du futur site, à savoir le cahier des charges…
Pour certains prospects c’est un vrai défi. En effet ils sont quotidiennement immergés dans l’action, ils ne s’arrentent guère plus que quelques mn pour rédiger un mail, quand ils ne préfèrent pas tout régler au téléphone, voire par skype.
Ces décideurs, souvent les seuls qui ont toutes les informations nécessaires pour réaliser un site, mais manquant aussi cruellement de temps, car s’occupant déjà de tant d’autres choses, auront tendance à «renvoyer la balle» à un subalterne. A ce niveau nous sommes très réticents, car le subalterne doit avoir un bon niveau dans la structure, et surtout il doit avoir une vision précise de l’offre de la société, mais aussi de sa structure commerciale et de back office.
En effet, si la personne n’a pas un niveau suffisant, les besoins formalisés dans les cahiers des charges ne correspondront pas à la réalité, et il y a un fort risque que le projet soit remis en cause en cours de route, avec risque de litige du fait de l’explosion logique du coût du projet des lors qu’il faut refaire une large partie du travail…
De plus, il est fondamental que les nouvelles demandes d’informations, de cotations, de RV et de visites que le site générera puissent être pris en compte très rapidement par une structure adaptée, ou au moins flexible, et pouvant être adaptée très rapidement. Ceci implique donc des décisions structurelles de la part des dirigeants de l’entreprise, et parfois de mettre la main au portefeuille, même si l’investissement sera très probablement rentable à moyen terme…
De toute manière, globalement, les non spécialistes (même briefés rapidement) ne sont pas en mesure de réaliser seuls un cahier des charges, ce qui est normal car c’est un domaine souvent inconnu pour eux, et la distance par rapport au prestataire web augmente le problème.
Il faut donc les accompagner pas a pas, en clair rédiger le cahier des charges avec eux, et pour ainsi dire pour eux. Ils n’ont tout simplement pas le vocabulaire, pas d’idée sur la manière d’organiser les informations… mais leur présence lors de recueil d’informations est fondamentale, (ils ont le savoir «métier» et «marché» ) ce qui implique une vraie proximité, l’idéal étant d’être physiquement au même endroit…
Il arrive que les décideurs, dans un effort méritoire réalisent seuls quelque chose qui se rapproche finalement assez d’un cahier de charges… bien sur il reste pas mal de zones d’ombres, mais globalement le prestataire peut quand même proposer une fourchette de prix pour permettre d’avancer dans la choix de la société qui réalisera le site.
Le problème est que, sans que leurs rédacteurs n’en soient conscients, les cahiers des charges peuvent avoir tendance à imposer des usines a gaz peu utiles, voire en contradiction évidente avec les buts affiches, par exemple une demande pour un site à petit serré qui soit totalement ou presque administrable par un utilisateur non spécialiste, avec des spécifications assez vagues et une ergonomie très orientée flash, donc rendant le développement de l’administration de mise à jour du site très complexe et couteux…
Même avec les clients qui vous ont fait confiance et que vous avez accompagné en profondeur dans la création du cahier des charges, vous n’êtes pas au bout de vos peines ; je garde en tête la remarque d’un client une fois que son cahier des charges (imposant vu la complexité de l’activité, mais en français) était terminé et que je lui demandais une validation claire pour pouvoir lancer la cotation, sa réponse a été quelque chose du genre «bon, ok tout ca, mais pour moi ca c’est du papier, ce que j’aimerais voir ce seraient des écrans pour voir à quoi va ressembler réellement le site»…
Les seuls cas ou nous pouvons espérer nous en sortir avec un non spécialiste, au prix de dépassement de budget inévitable, est dans la situation ou une personne a besoin d’un site web qui sera le coeur de sa nouvelle activité. En effet, en s’impliquant corps et âme et à plein temps sur ce projet, il arrive, même si ce n’est que progressivement, à décrire finement son besoin et à obtenir au final une application qui pourra vraiment le satisfaire.
Pour le reste, les résultats sont pour le moins décevants… les clients non spécialistes sont friands de conseil et d’information, surtout si ils sont gratuits… mais le taux de concrétisation de nos propositions (difficilement élaborées et souvent estimatives) s’avère très faible.
Etant situés à distance de clients qui auraient vraiment besoin qu’on leur tienne la main, et étant structurés comme une «usine à sites web» travaillant sur des cahiers des charges, nous n’avons pas de structure projet conséquente pour traiter ces demandes chronophage, ce que même les clients les plus tenaces finissent généralement par reconnaitre.
Le fait de travailler en marque blanche pour nos clients agences web est un handicap supplémentaire, les clients non spécialistes attachant parfois beaucoup d’importances aux références, du fait de leur fort besoin de se rassurer…
Enfin, des pratiques assez courantes entre entreprise du secteur (demande du paiement d’un acompte de 30 % sur un premier projet) paraissent difficile à accepter aux non spécialistes ; «vous faire un premier règlement sans rien en échange alors que nous ne nous connaissons pas et n’avons jamais travaillé ensemble ??». Ceci alors qu’il existe sur notre site des exemples (anonymes) de sites réalisés, et que les montants des acomptes sont souvent très minimes…
Sur la France, une solution possible serait de mettre en place notre propre structure pour pouvoir mieux accompagner ce type de clients potentiels, mais cela impliquerait d’augmenter nos coûts fixes, d’avoir à manager des gens à distance, et pire encore de risquer d’être perçu comme un concurrent de nos principaux clients, qui sont des agences web française… donc cette option est exclue…
Sur la Roumanie, même si le marché est actuellement particulièrement atone, nous pouvons envisager de nous structurer pour être en mesure de faire aussi du conseil, avec un fort aspect pédagogique. Ceci impliquerait cependant de facturer d’une manière ou d’une autre le travail d’accompagnement. Nous souhaitons en fait que cette prestation soit clairement distincte de la réalisation de site, et en poussant la logique à l’extrême, une fois que nous aurions aidé les clients à réaliser leurs cahiers des charges, ils auraient la possibilité d’aller voir ailleurs pour la création du site proprement dite, s’agissant d’une prestation clairement différente…
De toute manière la personne qui s’occuperait de cette partie rédaction des cahiers des charges ne serait pas une personne dédiée, au moins au début, tant que nous n’aurions pas la confirmation que la concurrence d’étudiants et de freelance locaux avec et sans statut ne tire pas les tarifs vers un niveau exagérément bas (nous avons eu l’expérience d’un client Roumain en compte pour de l’administration réseau qui nous a demandé deux fois de lui faire des propositions pour la création de deux sites. La première fois il a choisi les moins disant et il a été très déçus vu que prix plus bas induisait aussi moins de fonctionnalités jugées inutiles par le prestataire sans consulter les utilisateurs. Ce client nous avait ensuite re-convoqué pour d’autres travaux de développement mais ne s’était pas montré davantage disposé à payer un prix raisonnable pour le travail… il s’agit pourtant d’une assez grosse structure…)
Au final, notre analyse nous confirme plus que jamais que nous avons besoin de collaborer avec des clients – relais société spécialisées du type agences web (surtout celles qui s’impliquent, vont au fond du besoin, ont un rôle d’éducation du client et ne se contentent pas de transmettre des mails dont elles ont à peine pris connaissance…)
Pour le reste, malgré un taux transformation des non spécialistes très décevant, avec beaucoup de temps passé à éduquer le client potentiel à un secteur qu’il ne connait… et avec de fortes chances de le «perdre en route», la réalité ne faisant pas toujours rêver,… nous ne fermons pas complètement la porte, mais nous serons de plus en plus prudents et sélectifs… De toute manière, nous n’avons pas la capacité de traiter la rédaction de plus d’un cahier des charges de gros site de type «métier» par mois… encore une fois c’est lourd, chronophage… mais aussi TELLEMENT GRATIFIANT quand ce client final vous apprend qu’il reçoit régulièrement des demandes grâce à son nouveau site et qu’il réussi à gagner de nouveaux clients grâce à ce nouvel outil qu’il s’est complètement approprié et qu’il fait lui même évoluer…
voilà… Je pense qu’il y aura aussi à terme matière à un autre article sur la rédaction d’un cahier des charges…
PS : J’ai failli passer sous silence un argument important pour que les clients finaux nous confient la rédaction de leurs cahiers des charges : Possédant une forte culture référencement, nous pouvons intégrer ces aspects très en amont, à tout les niveaux, que ce soit en terme de structure du site, de rédaction de titres et de texte, de choix du nom de domaine, de définition des liens, etc… Ils ont en quelque sorte du «deux en un», avec une mise noir sur blanc de leur besoin ET une optimisation de leur site, ce qui est plus efficace que quand un optimisateur doit repasser sur un cahier des charges déjà existant… ou pire sur un site déjà existant… 😉